Le mouvement "Bloquons tout" vise à paralyser le pays. Jean-Luc Mélenchon appelle à la "grève générale". Retour sur l'histoire de la grève et des blocages depuis la fin du XIXe siècle.
Stéphane Sirot, Professeur d'histoire politique et sociale du XXème siècle à CY Cergy Paris Université
Alors que le mouvement "Bloquons tout" appelle à paralyser le pays le 10 septembre, Jean-Luc Mélenchon appelle à la "grève générale". Ce concept a joué un rôle majeur dans la rhétorique révolutionnaire du début du XXe siècle aux années 1970. Quel rôle ont joué les grèves dans l’histoire syndicale et politique française ? Quel sens leur donner aujourd’hui ?
Si le recours à la grève n’est pas d’un usage spectaculairement plus marqué en France qu’ailleurs en Europe occidentale, la place qui lui a été attribuée dans l’histoire du mouvement ouvrier français n’en est pas moins singulière. Tout au moins dans la double acception que lui a donné un temps le champ syndical : pratique privilégiée pour améliorer le quotidien, elle est en outre au cœur de l’utopie syndicaliste révolutionnaire. Donc, du dépassement du capitalisme.
Au fil du temps, la centralité de la grève dans les rapports sociaux s’est solidement installée, mais sa fonction utopique a vacillé. À la charnière des XXe-XXIe siècles, à l’instar des formes d’expression de la lutte des classes dont elle est l’une des quintessences, la pratique conflictuelle a même été nettement dévalorisée.
La grève ou le dérèglement de l’ordre dominant par les travailleurs eux-mêmes
Outre sa dimension d’outil de défense des conditions d’existence et d’offensive pour des droits nouveaux, la grève est est une forme primitive d’agglomération du monde ouvrier, dont la montée en puissance précède puis accompagne le développement du syndicalisme.
Lorsque le droit de se regrouper dans des syndicats est accordé en 1884, les conflits du travail, dépénalisés en 1864, ont déjà bien entamé leur processus d’installation au cœur des relations industrielles. Autrement dit, l’action précède l’organisation. Souvent même, tout au long du XIXe siècle, elle la fonde : des syndicats naissent à la faveur d’une confrontation sociale, certains disparaissent rapidement une fois la grève terminée, d’autres perdurent.
Puis lorsque naît la CGT à Limoges en 1895, elle ne tarde pas à se doter d’un corpus de valeurs assis sur l’ "autonomie ouvrière" et l’ "action directe". Par ses propres luttes, indépendamment des structures partisanes et des institutions, la classe ouvrière est censée préparer la "double besogne" définie par le fait syndical, soit tout à la fois le combat revendicatif prosaïque du moment et la perspective utopique d’un renversement du capitalisme. Une telle approche octroie à la grève un rôle central et tend à la parer de toutes les vertus.
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