Comment renforcer l’enseignement professionnel en Europe et préparer les jeunes aux transitions écologiques et sociales ? C’est le défi que propose de relever le projet européen ProVEST, coordonné par le laboratoire EMA.
Un projet européen d’envergure
Le
projet ProVEST (
Professionalisation of Teachers and Mentors in Vocational Education for Transformative Learning Environments for a Sustainable Transition) est lauréat du programme Erasmus+ de l’Union européenne, dans le cadre des CoVEs (
Centres of Vocational Excellence). Ces "centres d’excellence professionnelle" visent à renforcer le rôle des établissements d’enseignement et de formation professionnelle dans les transitions verte et numérique. Ils encouragent la coopération entre lycées, universités, entreprises et collectivités afin de construire des écosystèmes de compétences à l’échelle régionale et européenne.
À ce titre, ProVEST s’inscrit dans une dynamique ambitieuse : rapprocher l’école et le monde du travail pour créer des environnements d’apprentissage dits "transformateurs capacitants", capables de donner aux élèves les moyens d’agir dans une société en transition écologique, sociale et économique.
"Nous nous sommes rendu compte qu’il existait, partout en Europe, des difficultés partagées pour faire travailler ensemble le monde académique et le monde professionnel, même dans des pays réputés très efficaces comme l’Allemagne", explique Muriel Epstein, maîtresse de conférences en sciences de l’éducation et coordinatrice du projet au niveau européen. Ce constat a conduit les initiateurs et initiatrices du projet à imaginer un dispositif permettant l’échange de bonnes pratiques d’enseignement. "Le projet repose sur le recensement et l’analyse de pratiques inspirantes, que nous appelons "cellules germinales", pour comprendre ce qui fonctionne et ce qui peut être transposé ailleurs".
Des pratiques concrètes et inspirantes
Le projet, auquel a été accordé un financement de 3 millions d'euros, réunit
23 partenaires issus de cinq pays (France, Espagne, Belgique, Allemagne et Estonie) : universités, lycées professionnels, entreprises et fondations. Cette dynamique collective s’appuie sur une gouvernance partagée : chaque pays pilote un volet spécifique (cadre théorique, plateforme collaborative, master class internationale, expérimentation, évaluation…).
En France, trois lycées professionnels sont impliqués, aux côtés d’entreprises et de chercheurs de CY Cergy Paris Université. Les initiatives déjà observées sont multiples. Quelques exemples :
- production de cosmétiques à partir de ressources agricoles de proximité,
- ateliers de réparation informatique avec logiciels libres, permettant aux élèves de repartir avec un ordinateur fonctionnel,
- pédagogie innovante du "zéro déchet" en formation cuisine, où rien ne se perd, depuis le marc de café utilisé pour faire repousser des champignons, jusqu’aux arêtes de poisson transformées en objets décoratifs.
Pierre Colin, chercheur au laboratoire EMA, maître de conférences à l’INSPÉ de l’académie de Versailles et responsable de la coordination française du projet, insiste sur l’importance du lien avec le terrain : "Nous travaillons avec des enseignants référents dans chaque établissement. Cela nous permet de suivre les équipes, de documenter les cas inspirants et d’accompagner la mise en place des projets. Pour moi, c’est aussi une source d’enrichissement personnel : il se passe des choses formidables dans ces lycées".
EduSynergy, une plateforme collaborative
Au cœur du projet, la plateforme EduSynergy permet aux enseignants et mentors de partager leurs pratiques et d’échanger entre pairs. Développée avec le soutien de l’université technique de Dresde et du Learning Planet Institute, elle héberge déjà plusieurs dizaines de "cellules germinales", ces
exemples concrets d’initiatives transférables d’un établissement à l’autre.
"C’est via cette plateforme que se met en place le développement professionnel collectif", explique Alice Moscaritolo, chargée de recherche et de coordination du projet au sein de CY Cergy Paris Université. "Les enseignants y décrivent leurs pratiques, interagissent avec leurs homologues européens et construisent ensemble des environnements d’apprentissage plus inclusifs et plus durables".
Des livrables pour transformer l’enseignement professionnel
Le projet, d’une durée de quatre ans (février 2025-janvier 2029), prévoit plusieurs réalisations :
- la définition et l’analyse des environnements "capacitants",
- l’identification des cellules germinales,
- l’organisation d’une master class internationale à Bruxelles en 2026,
- la mise en œuvre d’expérimentations pédagogiques,
- des voyages d’échanges circulaires entre lycées européens en 2027,
- et enfin, la diffusion des résultats sur la plateforme en ligne, traduits en plusieurs langues.
À terme, ProVEST vise à intégrer ses résultats dans la formation des enseignants, via des micro-crédits européens et des labels EUTOPIA, afin d’assurer leur pérennité.
Un projet inspiré par EUTOPIA
Muriel Epstein est catégorique : le projet a vu le jour grâce à l’
alliance d'universités européennes EUTOPIA, au fil des rencontres avec des chercheuses et chercheurs travaillant sur des thèmes de recherche similaires. La chercheuse, lauréate de la première cohorte de la Young Leaders Academy et participante active des Connected Communities, a pu tisser des liens au fil de ses missions à l’université technique de Dresde, l'université Vrije de Bruxelles, l’université Pompeo Fabra de Barcelone, ou encore l’université Nova de Lisbonne.
"Le fait que nous ayons pu coordonner ce projet est directement lié au rôle de l’alliance EUTOPIA", souligne-t-elle. "Sans EUTOPIA, nous n’aurions pas pu constituer un consortium aussi solide et mobiliser des partenaires aussi divers".
Au sein de CY Cergy Paris Université, plusieurs institutions prennent une part active au projet : aux côtés du laboratoire EMA, le Learning Planet Institute et le laboratoire Grhapes de l’INSEI sont impliqués.
Une ambition sociétale
ProVEST incarne la volonté de l’Union européenne de faire de l’enseignement professionnel un
levier de transformation sociétale. En renforçant les compétences des enseignants et en rapprochant l’école de l’entreprise, le projet veut contribuer à former des citoyens capables d’agir face aux grands défis du XXI
e siècle. Il ambitionne de redonner du sens à l’enseignement professionnel et à valoriser la créativité, l’inclusion et la coopération. "Une société inégalitaire ne peut pas être durable. ProVEST intègre donc non seulement la dimension écologique, mais aussi les volets sociaux et économiques du développement durable", insiste Muriel Epstein.
Comme le résume Pierre Colin : "nous cherchons à documenter ce qui marche, à comprendre ce qui est transférable, et à le partager à l’échelle européenne. C’est un projet exigeant, mais porteur d’espoir pour l’enseignement professionnel et pour la société".
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