le 29 mars 2022
  • Transition

Publié le 29 mars 2022 Mis à jour le 29 mars 2022

"All in" pour la formation de la jeunesse

Dans une tribune au "Monde", le président de CY Cergy Paris Université, François Germinet, plaide pour une refonte de grande ampleur des études supérieures, pour préparer les jeunes aux enjeux d’avenir, en particulier la crise climatique.

All in, dit-on au poker lorsque l’on va pour jouer le tout pour le tout. Mais ici pas de bluff, car notre avenir est en jeu, et celui de notre jeunesse.

Nous savions la planète menacée par un développement frénétique, dont on condamne moins la croissance que l’absence de vision sur sa soutenabilité. Le GIEC vient de sortir son rapport 2022, et le constat s’aggrave. Ne nous trompons pas, la crise du climat est tout autant une crise écologique qu’une crise de société et même avant tout une crise humaine. À cela vient s’ajouter la crise sanitaire due au Covid et désormais la crise politique avec la guerre en Ukraine qui fait rage.

Face à nous donc, une crise finalement unique mais aux trois visages : écologique, sanitaire et politique, qui nous amène à poser l’urgence d’une transition vers une maîtrise durable des technologies, de notre capacité de production et de notre souveraineté.

Gâchis d’énergie

All in! Parce que pour répondre au défi de cette triple crise, c’est l’ensemble des forces du pays, et notamment de sa jeunesse, qui doit être mobilisé. Nos enfants seront d’autant plus inventifs et passionnés qu’on leur en laissera la possibilité.

Aujourd’hui 13 % des 15-29 ans sont sortis du système républicain d’accès à une vie professionnelle décente. On appelle désormais NEET ceux à qui on ne sait pas donner de nom. NEET pour not in employment, education or training (ni élèves, ni étudiants, ni travailleurs). Ils sont pourtant pleins de ressources ! Ajoutez à cela les 25 % d’échec en premier cycle de l’enseignement supérieur : prépa, BTS, IUT, licence générale (réorientation, abandon). Tout confondu, sur une classe d’âge de 800 000 jeunes, nous en avons à peu près 200 000 en difficulté.

Évalue-t-on le coût d’abord humain pour chacun de ces jeunes ? Evalue-t-on ensuite le coût économique ? Peut-on se permettre ce gâchis d’énergie, d’envie, de passion, à l’heure de cette triple crise qui appelle à l’urgence de l’action ? CY Cergy Paris Université étant située dans le Val-d’Oise, département le plus jeune de France, on comprendra notre sensibilité au sujet.
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François Germinet, président de CY Cergy Paris Université, président de la commission formation et insertion professionnelle de France Universités

Et pourtant notre pays va avoir besoin de se reconstruire, au coeur de l’Europe. Le développement des technologies, la réindustrialisation (et donc notre capacité de production), le soin à la personne et le souci de l’autre, voilà certainement nos boussoles pour la décennie à venir. Et toutes les compétences sont à mobiliser. Tous les niveaux de formation, du CAP au doctorat. Tous les types de formation : initiale classique, en apprentissage, continue et reprise d’études, voire compagnonnage.

Manque chronique de financement

C’est ainsi à un plan à tous les étages de la formation et à 360 degrés des besoins professionnels que nous en appelons. Notre système d’enseignement supérieur est pensé et construit pour accueillir les étudiants des filières générales et technologiques : licences et doubles licences, classes prépa et filières écoles, grandes et moins grandes. En cela, il est structurellement armé pour apporter des compétences avancées et permettre aux bacheliers de bon niveau de viser les masters et le doctorat. Mais, d’une part, cette voie sou!re d’un manque chronique de financement : la dépense publique par étudiant ne cesse de baisser depuis 2010, du fait de la hausse démographique, et ce malgré les efforts budgétaires de l’Etat. D’autre part, encore trop de bacheliers se retrouvent en septembre dans une filière générale universitaire à la suite d’une mauvaise orientation : soit qu’ils n’en aient pas le niveau, soit qu’ils ne l’aient pas voulue. Et cela produit les chi!res d’échec cités plus haut.

All in pour l’orientation et la diversification des formations ! Si la réforme du bac avec ses spécialités, combinée à la mise en place de Parcoursup, amène de facto à une meilleure réflexion de l’élève sur son orientation future, il manque une réflexion sincère et profonde sur l’adéquation entre les filières proposées, les aspirations de nos enfants, y compris en matière de développement durable, et l’urgence face à cette triple crise. Comment refuser une telle réflexion sur la diversification des formations, alors que l’enseignement supérieur accueille désormais 1,8 million d’étudiants contre seulement 300 000 en 1968 !

L’apprentissage, notre principal levier

Renforçons les moyens des filières générales et des IUT. Favorisons un grand plan de déploiement d’une "voie des pros", dans le supérieur, à l’université ou du moins sous coordination universitaire. Ce qui aura le triple mérite de répondre aux aspirations de diversité des bacheliers, de faire baisser la tension dans les filières générales et de faire face aux enjeux de transition.

All in pour l’apprentissage ! Développons cette voie des pros par l’apprentissage ! L’apprentissage, cette grande chance que bien des pays nous envient, et qui permet concrètement à des milliers de jeunes de se projeter à la fois dans le monde des études et celui du travail. L’apprentissage est notre principal levier pour l’avenir. Par les financements exceptionnels de France Relance, le nombre d’apprentis a bondi de 500 000 en 2020 (c’était déjà un record historique) à 700 000 en 2021. Nous devons viser le million d’apprentis d’ici cinq ans, dont au moins 100 000 de plus dans le supérieur.

All in pour toutes les sciences ! Nous aurons besoin des sciences pour les technologies et l’industrialisation du pays. Nous aurons besoin des sciences du soin et du souci de l’autre pour une société solidaire et inclusive. Nous aurons besoin des sciences fondamentales, car ce sont elles qui préparent les emplois hautement qualifiés de dans dix ans. Nous aurons besoin des sciences humaines, car comment penser ces transitions sans penser le triple rapport de l’homme à la planète, à la société et – osons le dire – à lui-même ?

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